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    Pour nous, la terre devrait d’abord appartenir à ceux qui la travaillent

     

    Lutte contre l’accaparement des terres agricoles -

     

    Par Michel Le Scouarnec  / 7 février 2017 

     

    Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la spéculation sur le foncier agricole et forestier est une réalité de plus en plus affirmée dans nos territoires.

     

    Après la spéculation sur la forêt et sur les grands vignobles de prestiges, ce sont les terres intermédiaires qui sont aujourd’hui dans la ligne de mire d’investisseurs ayant beaucoup d’appétit, ce qui met en danger la transmission et la pérennité des exploitations familiales, déjà affaiblies par la crise et toutes les difficultés qu’elle engendre. La Chine n’est pas la seule dans la course à la terre. C’est le même type de montages sociétaires qui a permis la création de la ferme des mille vaches, dans la Somme.

     

    En effet, au-delà de la spéculation et des investisseurs étrangers, il y a aussi un mouvement très fort de renforcement des « unités agricoles à salariés » via « le développement de grandes exploitations sociétaires et le recours croissant à des entreprises de travaux agricoles » qui remet en cause le modèle de l’agriculture familiale.

     

    En vingt ans, de 1995 à 2015, les parts de marché des personnes morales dans les terres agricoles ont été multipliées par 4 en nombre, et par 2,5 en surface. En 2015, les sociétés ont réalisé 10 % des transactions du foncier agricole, acquis 13 % des surfaces vendues, pour 26 % de la valeur. Elles détiennent 2,7 millions d’hectares de terres en France et ont augmenté de 11 % en surface d’exploitation entre 2010 et 2013, illustrant le phénomène de concentration.

     

    La financiarisation des terres est bel et bien en marche ! En effet, si la loi d’avenir agricole a prévu un renforcement du droit de regard des SAFER sur les cessions de 100 % des parts d’une société détenant du foncier, le contournement du contrôle de la SAFER grâce à des cessions partielles reste possible.

     

    Il en est ainsi du rachat par un fonds chinois, à partir de 2014 et en plusieurs étapes, d’un total de 1 750 hectares de terres céréalières dans l’Indre. Aujourd’hui, toute la production est acheminée en Chine.

     

    Jusqu’à un décret de 2015, les SAFER n’étaient informées que des transactions impliquant des exploitants, mais non des ventes de parts de société, et c’est justement par le truchement des ventes de parts que cette transaction a eu lieu. De plus, même si elle l’avait voulu, la SAFER n’aurait pas pu exercer son droit de préemption, puisque celui-ci ne s’applique pas aux ventes partielles. C’est ainsi que le fonds précité a pu racheter 98 % des parts de sociétés d’exploitation, les 2 % restants étant conservés par les anciens propriétaires.

     

    C’est dans ce contexte que la proposition de loi de Dominique Potier relative à la lutte contre l’accaparement des terres agricoles doit être étudiée. Nous le savons, la politique foncière est l’un des piliers de toute politique agricole et alimentaire. Elle participe à l’orientation globale de notre modèle agricole et à la structure des exploitations sur le territoire national. De plus, elle est un paramètre important du renouvellement et de l’installation de nos jeunes agriculteurs, trop souvent confrontés, lorsqu’ils commencent leur activité, à des problèmes touchant au foncier.

     

    Il en va du foncier agricole comme de l’ensemble des secteurs économiques : les montages financiers et techniques permettant de rentabiliser des investissements et d’encourager la spéculation se multiplient. Dans le secteur agricole, ces montages s’appuient sur une spécialisation territoriale des productions, qui renforce la pression foncière, mais aussi sur le désarroi des agriculteurs, qui acceptent de vendre leurs terres pour avoir un complément de retraite, indispensable vu l’indécence de leur situation en fin d’activité. Ils touchent en effet une retraite de misère, de 736 euros en moyenne.

     

    Le groupe CRC pense donc que le Gouvernement aurait dû défendre un grand projet de loi sur le foncier agricole au lieu de mesures ponctuelles et éparses.

     

    Certes, l’article 1er consacre le principe selon lequel seules les sociétés dont l’objet principal est la propriété agricole peuvent acquérir du foncier agricole. De même, les dispositions suivantes en faveur du renforcement du droit de préemption des SAFER sur la cession de parts de sociétés agricoles représentent vraiment des avancées importantes.

     

    Toutefois, de nombreuses questions restent en suspens, car l’extension du droit de préemption des SAFER aux parts de société doit s’accompagner d’une redéfinition de leurs missions, comme l’intégration du contrôle des structures. Il faudra aussi s’attaquer à la redéfinition de leurs moyens d’action et de leur statut pour les transformer éventuellement en établissements publics. Il convient également de revoir leur financement, pour leur éviter de rechercher des fonds propres, et les modalités de leur contrôle, pour éviter la financiarisation des SAFER elles-mêmes, puisque c’est bien le risque auquel nous sommes confrontés.

     

    De même, il est indispensable d’encadrer les prix des terres agricoles de sorte qu’ils soient en corrélation avec le revenu agricole pouvant en être dégagé.

     

    Notre groupe est également favorable aux dispositions du titre II de cette proposition de loi, relatives au développement du biocontrôle. Au regard des objectifs de réduction de l’usage des produits phytosanitaires, il ne faut sous-estimer aucune voie permettant de mieux maîtriser l’utilisation des produits de l’agrochimie et de leur substituer des produits de biocontrôle.

     

    Les membres du groupe CRC ont toujours été très attachés à un modèle d’exploitation familiale et à taille humaine, qui a l’immense mérite d’ancrer des actifs et des familles sur nos territoires, mais aussi de faciliter la transmission de ces structures. Pour nous, la terre devrait d’abord appartenir à ceux qui la travaillent.

     

    Nous défendons depuis longtemps le choix de politiques publiques fortes dans le domaine agricole et une politique foncière rénovée qui permette d’inverser les processus de concentration et d’hyperspécialisation territoriale des productions, de garantir l’accès des jeunes agriculteurs qui souhaitent s’installer au foncier et de favoriser les exploitations à taille humaine, en particulier là où la spéculation foncière est la plus forte.

     

    Pour toutes ces raisons, malgré les limites de ce texte, nous voterons pour cette proposition de loi.